ADIEU by Landa wo

 

“When a man can’t live on the land of his ancestors,
he settles down in the land of his imagination.”

Kayimuinda Ndjo

 

I

 

FOR A LONG TIME I told myself that I was a happy woman. Twenty-four years of marriage, a good career, an harmonious household. Is it necessary to dig up our student years in Brazzaville? Yes, I think so, because that was the time when I first knew you. The PCT was all powerful. The militia did their rounds at night and picked up a few foolish young people. You were at cadet school and you had just come to Theatre 600 to study law.

One evening when I was coming home from a party with my cousins, we nearly got into trouble with the militia. In your cadet’s uniform, your friends and you got us out of that bad situation. That meeting was the beginning of our story. It is true that in the beginning your parents were suspicious of ‘that Lari girl’ because it was frowned on to be seen with girls of that ethnicity. In those days it wasn’t like today after two civil wars and the temptation to marry only those of one’s own ethnicity.

Things went very quickly, the meeting of the families, the traditional marriage, the civil marriage. The first months of the honeymoon. For a long time I told myself that life couldn’t begin under happier circumstances.

 

II

 

I learned to know the man. A just and fair man. Full of sensitivity. Things were too simple and wonderful not to attract dark clouds. The words of your uncle during the first family council still echo in my head. A somewhat stormy council after three years of marriage, after the rumours, the barbed remarks, the allusions and then the frontal attacks. The question of motherhood was asked. The metaphor was hard and wounding: “A tree which doesn’t bear fruit gets cut down.” So what to do with a woman who didn’t bear children? Your answer was full of subtlety and love: “Some trees without fruit give better shade than trees covered in juicy fruit.” To defend me in that way, to enter into undeclared war with your paternal uncle – I knew that you were only listening to your heart. I have only loved you more since that day. The next day you came back from the bookshop with Mariama Ba’s book “Such a Long Letter” for me. We have never since spoken of that family council which welded us together forever. I read the book at one sitting and I knew that it was that woman’s courage which had guided your choice. Did you imagine yourself as being like her husband taking a second wife or leaving early for your ancestors’ country? We were only a young married couple. Why that projection into the future?

 

III

 

For a long time I told myself I was a happy woman. And I still think so today. I have seen you gently but firmly rejecting the pretty young women that your mother, your sisters, your cousins, your uncles, your brothers and sisters put in your way. So many charming people who could have made you a father. I thank you for your sacrifice, the proof of love and the respect you have shown to your wife. Often in the market of poto poto I saw the merchants walking around with their children on their backs. I saw kids running in the streets and I regretted not being able to be a mother. What hurt me most was seeing you playing with your nephews, loving them, taking them to the football pitch, I saw you carefully preparing the fishing tackle for your evenings at the lake. I’ve seen you find the right words for your nieces’ first love problems.


IV

 

Since February I don’t know you any more. Hardly arrived home, you left again. You barely tasted your favourite dish, groundnut saka saka. You still arrived at the same time for lunch, a nod to your legendary punctuality, but you left immediately without touching your glass of palm wine. It was your cousin Maman Antou who had the courage to talk to me like a sister. She was always good to me. Now I know that you have twins. They are adorable. Tchielik has your eyes, and your dimples. As for Ndoumbe, she already has your reserve. She will be a good girl who will lead a tranquil life. I often wondered who that child we were never able to have would look like. Today I have my answer. You have strong blood; your children look like you. As for me since this morning I have had the time to cry and to dry my tears, I have had the time to hate you and to forgive you.

For a long time I told myself that I was a happy woman. I don’t think any less today. I just have a new definition of happiness. Happiness by slices; I’ve had twenty-four years of happiness. Today a page has turned. That doesn’t mean that I become an inconsolable, unhappy woman. I wanted to tell you in my turn that you deserve the happiness of being a father. That may make you smile, coming from me who has always supported feminist causes. Today it’s not about a cause, it’s about a woman and a man. I will love those children like my own, and their mother like a little sister. Maman Antou suggests that I should accept that the mother of your children become your second wife. I won’t oppose it. When you read this letter you will already be on the way back. I am waiting for you.


 

“Quand un homme ne peut pas vivre sur la terre de ses ancêtres, 
il s’installe dans son imaginaire.”

Kayimuinda Ndjo

 

I

 

Longtemps je me suis dit que j’étais une femme heureuse. Vingt-quatre ans de mariage, une carrière bien lancée, un foyer harmonieux. Est –il besoin de dépoussiérer nos années étudiantes à Brazzaville ? Oui je le pense car c’est a cette époque que j’ai fais ta connaissance. Le PCT était tout puissant. Les miliciens faisaient la ronde de nuit et ramassaient certains jeunes imprudents. Tu étais à l’école des cadets et tu venais d’arriver à l’amphithéâtre 600 pour suivre les cours de droit.

Un soir alors que je rentrais d’une fête avec des cousines, la milice a failli nous faire des misères. Dans ton uniforme de cadet, tes amis et toi vous nous avez tiré de ce mauvais pas. Cette rencontre a été le début de notre histoire. Il est vrai qu’au début tes parents se méfiaient de cette fille Lari car il était mal vu de fréquenter les filles de cette ethnie. En ce temps là, ce n’est pas comme aujourd’hui après deux guerres civiles et la tentation de se marier uniquement avec ceux de son ethnie.

Les choses sont allées très vite, la rencontre des familles, le mariage coutumier, le mariage civil. Les premiers mois de lune de miel. Longtemps je me suis dit que la vie ne pouvait pas commencer sous de meilleurs auspices.

 

II

 

J’ai appris à connaitre l’homme. Un homme juste et bon. Plein de sensibilité. Les choses étaient trop simples et merveilleuses pour ne pas attirer de sombres nuages. Les mots de ton oncle raisonnent encore dans ma tête lors du premier conseil de famille. Un conseil un peu houleux après trois ans de mariage, après les rumeurs, les petites piques, les allusions puis les attaques frontales. La question de la maternité était posée. La métaphore était forte et des plus blessantes ‘‘un arbre qui ne produit pas des fruits, on l’abat’’ Que faire alors d’une femme qui ne donnait pas d’enfants ? Ta réponse a été pleine de subtilité et d’amour ‘‘certains arbres sans fruits produisent plus d’ombre que des arbres garnis de fruits juteux’’. Prendre ma défense de la sorte, entrer dans une guerre larvée avec ton oncle paternel je savais que tu n’écoutais que ton cœur. Je ne t’ai que plus aime depuis ce jour la. Le lendemain en revenant de la librairie tu m’as ramené le livre de Mariama Ba, ‘‘une si longue lettre’’. Nous n’avons plus jamais parlé de ce conseil de famille qui nous a soudés à tout jamais. En lisant ce livre d’une traite j’ai su que c’était le courage de cette dame qui avait guidé ton choix. T’imaginais-tu ressemblant à son mari prenant une deuxième épouse ou partant plus tôt pour le pays des ancêtres ? Etait ce un moyen de me mettre en garde contre le sort réservé aux veuves ou aux femmes sans enfants? Nous n’étions que des jeunes mariés. Pourquoi cette projection dans le futur ?

 

III

 

Longtemps je me suis dit que j’étais une femme heureuse. Et je le pense encore aujourd’hui. Je t’ai vu avec douceur mais avec fermeté repousser les jolies jeunes filles que ta mère, tes sœurs, tes cousines, tes oncles, tes frères et sœurs mettaient sur ton chemin. Autant de charmantes personnes qui auraient pu faire de toi un père. Je te remercie pour ton sacrifice, la preuve d’amour et le respect que tu as montré pour ton épouse. Souvent au marché de poto poto je voyais les marchandes ambulantes avec leurs enfants au dos. Je voyais des gamins courir dans les rues et je regrettais de ne pas pouvoir être mère. Ce qui me faisait le plus de peine c’était de te voir jouer avec tes neveux, les chérir, les conduire au terrain de football, je te voyais préparer avec minutie les ustensiles de pêche pour vos soirées au lac. Je t’ai vu trouver les mots justes pour les premiers chagrins d’amours de tes nièces.

 

IV

 

Depuis février je ne te reconnaissais plus. A peine arrivé tu repartais. Tu goûtais du bout des lèvres le saka saka à l’arachide, ton plat préféré. Tu arrivais toujours à la même heure pour le déjeuner un clin d’œil à ta ponctualité légendaire mais tu repartais aussitôt sans même effleurer ton verre de vin de palme. C’est maman Antou ta cousine qui a pris le courage de me parler comme a une sœur. Elle a toujours été bonne pour moi. Je sais maintenant que tu as eu de faux jumeaux. Ils sont adorables. Tchielik a pris tes yeux et tes fossettes. Ndoumbe quant à elle a déjà la réserve de son père. Ce sera une enfant sage qui filera son chemin sans histoire. Je me suis souvent demandé à qui ressemblerait cet enfant que nous n’avons jamais pu avoir. Aujourd’hui j’ai ma réponse. Tu as le sang fort ; tes enfants te ressemblent. Quant à moi depuis ce matin j’ai eu le temps de pleurer et de sécher mes larmes, j’ai eu le temps de te haïr et de te pardonner.

Longtemps je me suis dit que j’étais une femme heureuse. Je n’en pense pas moins aujourd’hui. Simplement j’ai une nouvelle définition du bonheur. Un bonheur par tranche ; j’ai eu vingt-quatre années de bonheur. Aujourd’hui une page se tourne. Cela ne veut pas dire que je devienne une femme inconsolée ou une malheureuse, loin de la. L’amour et le respect que tu as eu pour moi tout au long de ces années m’ont rendu heureuse. A mon tour je tenais à te dire que tu mérites le bonheur d’être père. Cela te fera peut-être sourire venant de moi qui ai été de toutes les causes féministes. Aujourd’hui il ne s’agit pas d’une cause, il s’agit d’une femme et d’un homme. J’aimerais ces enfants comme les miens et leur mère comme une petite sœur. Maman Antou me suggère d’accepter que la mère de tes enfants devienne ta deuxième femme. Je ne m’y opposerais pas. Quand tu liras cette lettre tu seras déjà sur le chemin du retour. Je t’attends.


LANDA WO is an Angolan Cabindese poet. His work has won a number of awards including 1st prize in Metro Eireann writing competition 2007, Eist poetry competition 2006, and Feile Filiochta international poetry competition 2005. His poetry appears in literary journals in France, Ireland, New Zealand, Spain, UK and USA (Boyne Berries Literary Magazine, Blackmail Press, Cyphers, Nashville Review, Poetry New Zealand, Raleigh Review, The Alarmist, Weyfarers ) and in a number of anthologies.

 

 

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